EPISODE / PART 29

MON GRAND VOYAGE : ETHIOPIE 1976-78 : 20 mois à travers 10 pays

MY GREAT TRIP : ETHIOPIA 1976-78 :

20 Months across 10 Countries

Episode 29 : Dernières semaines en Ethiopie Avril à Juin 1978

Part 29 : Last weeks in Ethiopia April to June 1978

Si vous arrivez directement sur cette page, lisez ensuite LA PAGE D’INTRODUCTION ET LE SOMMAIRE.

If you arrive directly at this page, please read THE INTRODUCTION PAGE AND THE CONTENTS afterwards.

Le vendredi 7 avril dans la matinée, je retrouve à Addis une atmosphère beaucoup plus fraîche que tout ce que j’ai connu pendant la quinzaine passée. Mon magnifique voyage au Yémen et à Djibouti s’est déroulé sans incident et restera comme l’un des souvenirs les plus forts de ma vie. J’ai obtenu le meilleur accueil partout et à nouveau je veux remercier ici Jean-Yves, ainsi que Henri et sa compagne. Tous les trois, je ne vous oublierai jamais.

Comme j’ai la forme olympique et que je suis peu chargé de bagages – j’ai toujours préféré voyager léger – je décide de rentrer chez moi à pied. L’aéroport n’est pas loin de la cité et je n’ai que huit kilomètres environ à parcourir. Je passe à la poste vider mon casier, puis je dépose mes affaires chez moi, avenue Churchill, et ensuite je me rends à l’Ambassade de France (située à environ 2,5 km au nord-est de Sidist Kilo) pour une démarche, toujours à pied – encore six bons kilomètres.

La rentrée à l’Alliance le 10 avril se passe bien et je reprends ma vie bien organisée. J’écris le 15 avril: « Mon séjour en Ethiopie tire à sa fin maintenant. Plus que neuf semaines avant les grandes vacances, le 16 juin. (…) Addis est parfaitement calme, et animé par les fêtes de kebelés. Les autorités préparent déjà la grande fête du 1er mai, à laquelle Brejnev assistera nous dit-on. L’avenue Churchill a été peinte de bandes blanches délimitant quatre voies dans chaque sens, ce qui lui donne de l’allure ». En ces jours, après chaque cours à l’Alliance se terminant à midi, j’observe la position du soleil alors que je rentre à pied déjeuner chez moi. « (…) Le passage du Soleil au zénith s’est produit le 13 avril à 12h 20. Le Soleil passe maintenant au nord. (…) Ici, les récoltes sont belles, heureusement car beaucoup de paysans ont été mobilisés. L’approvisionnement est médiocre. Il y a des queues énormes pour avoir du pain, du sucre, etc ». Tana, notre mamité, se chargeait d’une partie des courses mais nous en faisions aussi. Quand un arrivage se produisait dans les magasins, le bouche à oreille fonctionnait vite et nous nous précipitions pour obtenir ‘du beurre du Kenya’ par exemple, ou toute autre denrée devenue rare. Je me souviens qu’en me rendant un jour au petit supermarché Tewodros, à deux pas de chez moi, pour profiter d’une livraison de sucre, les vendeurs m’ont fait sauter la longue file d’attente, grâce à mon statut de résident étranger. J’avoue que je n’ai pas eu le courage de vouloir tout de même prendre place dans la queue pour une heure de patience. Je suis ressorti avec mon kilo de sucre cristal la tête basse, sans oser non plus affronter les regards vraiment noirs. Dans les petits supermarchés (il n’y en avait pas de grands), comme Tatek, Misrak ou Bambis, de la musique était souvent diffusée, meublant l’espace et résonnant sur les rayons métalliques peu garnis. Mais malgré la pénurie, nous avons toujours pu nous nourrir convenablement à Addis. A propos de table, mentionnons les vins éthiopiens. On trouvait des rouges et des blancs, de style un peu “italien” mais de qualité moyenne, comme le Guder et le Makanissa. J’appréciais l’Amba (“montagne tabulaire”), vin rouge, quand on pouvait en trouver. Il y avait même un breuvage étiqueté “Champagne d’Ethiopie”.

J’écris le 23 avril: « J’en suis à la dernière ligne droite avant mon retour à Paris. Plus que huit semaines. Je regretterai, car ici je ne m’en fais pas, et j’ai une vie autrement plus intéressante (… )». J’aimais beaucoup mon existence à Addis. Ce goût peut sembler curieux car les inconvénients étaient très nombreux. Je développerai ce point plus loin dans l’EPILOGUE. « (…) Addis est plus calme que je ne l’ai jamais vu. Plus de coups de feu et la terreur rouge se relâche un peu. Cependant, on est toujours fouillé pour entrer n’importe où et le couvre-feu [de minuit à cinq heures] est toujours aussi strict ». Si par malchance ou négligence on était encore dehors en voiture à minuit, il fallait rouler très lentement toutes lumières allumées et bien sûr stopper à toute injonction. Une nuit, Jean-Noël et moi avons subi un coup de feu de semonce en l’air. Dans ce cas, l’arrêt immédiat s’imposait, bien entendu. « (…) Les Ethiopiens ne trouvent plus le tef avec lequel ils font l’injéra, si bien qu’ils mangent du pain. Pour avoir du pain, il faut faire la queue souvent des heures. Il est de plus très mauvais, contenant 30 % environ de farine de blé. (…) Nous avons toujours les fêtes de kebelés, de 5 à 10 chaque semaine, toute l’année. Ca nous fait des distractions, avec le cinéma, les activités de l’Alliance et les sorties ». Il y avait peu d’occasions de vraiment s’amuser à Addis. L’ambiance générale n’était pas à l’euphorie, malgré les nombreuses fêtes de kebelés. Jean-Noël et moi nous rendions parfois à ces manifestations. Il y avait de grandes tables et des bancs. Nous pouvions boire une bière ou un verre de tedj, et essayer de communiquer avec la population locale, plus ou moins obligée de prendre part. Si gaieté il y avait, celle-ci était assez artificielle, compte tenu du climat de crainte qui régnait par ailleurs. Les fêtes de kebelés de ce temps me font penser à certains banquets ‘civiques’ ou ‘républicains’ en faveur pendant la Révolution française, où la volonté de rassemblement ‘fraternel’ cachait mal la terreur ambiante et la dictature. A propos des distractions, nous sortions souvent, Jean-Noël et moi, le samedi soir, grâce à la voiture de mon camarade. Nous allions manger dans un petit restaurant, comme l’Omar Khayyam ou l’Oroscopo, en Piazza, ou bien parfois au Maru Dembia (ambiance et menu traditionnels), au Ras, au Villaverde ou chez Castelli. Nous nous promenions et prenions une bière à l’Ethiopia ou au Kokeb, par exemple. Je me souviens que l’hôtel Ethiopia était parfois approvisionné en bière Melotti, marque que nous préférions à la Méta. A défaut de ces deux étiquettes, nous demandions une Pilsner, autre marque éthiopienne que nous trouvions moins bonne. Le restaurant Kokeb (“étoile”) était situé en haut d’un immeuble et nous admirions la vue de nuit sur la cité. Le cinéma en bas de l’avenue Churchill présentait rarement un film en français, mais je me souviens d’y avoir vu Monsieur Klein, avec A. Delon, en version originale. Nous finissions parfois la soirée dans un bouna bet (“maison de café”), sur la route de Debré-Zeit, par exemple le Viking, où il y avait de la musique, où on pouvait danser et boire encore une bière ou du tedj. Il fallait impérativement être chez soi avant l’heure du couvre-feu. Il n’y avait pas de permission de minuit, et ce que risquait le carrosse n’était pas de se transformer en citrouille, mais en passoire.

J’écris le 30 avril: « C’est aujourd’hui Pâques en Ethiopie. Le Vendredi saint est férié, pas le lundi de Pâques, mais comme c’est le 1er mai, c’est un autre jour férié. Exceptionnellement, le couvre-feu a été levé la nuit dernière pour permettre aux gens d’aller à la messe de minuit. J. Noël et moi ne sommes pas allés à la messe, mais avons profité de l’absence de couvre-feu quand même. (…) Langano [v.Episode 19] est à peu près le seul endroit où les Occidentaux peuvent encore aller, avec Nazareth. Maintenant, il faut, pour sortir d’Addis, non seulement l’autorisation de l’Ambassade (en 2 exemplaires, 5 jours à l’avance, par la voie hiérarchique), mais aussi celle des Ethiopiens (15 jours de délai environ). (…) Demain, c’est la fête du 1er mai, qui devrait mériter le nom de grandiose, si l’on se fie aux préparatifs assez impressionnants ». J’écris le 8 mai: « Les fêtes du 1er mai sont un peu tombées à l’eau à cause de la pluie battante qui est tombée toute la matinée. C’est pas de chance, car il pleut rarement le matin à Addis, même en saison des pluies ».

En cette période, je multiplie les démarches concernant ma situation pour l’année suivante. J’adresse diverses demandes pour continuer à travailler en Coopération à l’étranger, en Ethiopie ou ailleurs. J’écris le 16 mai: «[En plus], j’ai fait ma demande de réintégration dans la Seine-Maritime. Je vais m’occuper du voyage de retour prochainement. En principe, je pars pour le Caire le 20 juin. (…) Il est pratiquement impossible de sortir d’Addis autrement que pour quitter le pays par avion. Je suis tout de même allé avec trois amis à Sabata (25 km au sud-ouest d’Addis) dimanche dernier. L’endroit est très reposant et agréable. J’ai fait quelques photos. Il faisait beau ce jour-là. (…) Le directeur de l’Alliance [M. R.] m’achète mon poste radio-cassette que je lui donnerai en juin ».

On Friday, the 7th of April, in the morning, I see Addis again in a much cooler atmosphere than everything I have known during the last fortnight. My beautiful trip to Yemen and Djibouti went off without any incident and will remain as one of the strongest memories of my life. I got the best reception everywhere and I want to thank Jean-Yves here again, like Henri and his companion. I’ll never forget the three of you.

As I’m on Olympic form and I’ve got little luggage – I have always preferred to travel light – I decide to get home on foot. The airport is not far from the city and I’ll only walk eight kilometres. I go first to the post office to take my mail, then I leave my things at my place, on Churchill Avenue. Afterwards, I go to the French Embassy (located about 2.5 km north-east from Sidist Kilo) for a step, still walking – six good kilometres more.

The start of the new term at the Alliance on the 10th of April goes off smoothly and I resume my well-organized life. I write on the 15th of April: ‘My stay in Ethiopia is getting near the end now. Only nine weeks left until the summer holidays, on the 16th of June. (…) Addis is perfectly calm, and animated by the kebele celebrations. The authorities are already preparing the great 1st of May celebration, which Brejnev is to attend, so they say. Churchill Avenue has been painted with white stripes delimiting four lanes on either way, which gives it a certain elegance’. During those days, after every class ending at 12 o’clock at the Alliance, I observe the position of the sun while I walk home for lunch. ‘ (…) The Sun reached the zenith on April 13 at 12. 20. The Sun is now going through the north. (…) Here, the crops are plentiful; it’s a good thing for a lot of countrymen have been mobilized. Supplying is mediocre. There are very long queues to get bread, sugar, etc’. Tana, our mamite, used to do part of the shopping for us, but we also went shopping ourselves. When an arrival happened in the stores, we heard about it soon and we rushed forward to get “Kenya butter”, for example, or any rare foodstuff. I remember that one day I went to the small Tewodros supermarket, near my place, to make the most of a sugar delivery. The salesmen served me at once, for I was a foreign resident. I must confess I didn’t have the courage to want to take a place in the long queue for an hour’s patience. I went out with my kilo of granulated sugar, head down, whitout having the courage to face the really black looks either. In the small supermarkets (there were no large ones), like Tatek, Misrak or Bambis, there was often music, filling the space and resonating on the little-stocked metallic shelves. But despite the shortage, we always managed to eat decently in Addis. About the table, let’s mention Ethiopian wines. One found red and white ones, looking a little “Italian”, but of average quality, like Guder or Makanissa. I liked Amba (“tabular mountain”), a red wine, when one could find it. There was even a beverage labelled “Champagne d’Ethiopie”.

I write on the 23rd of April: ‘It’s my last straight line before I get back to Paris. Only eight weeks left. I’ll miss it, for here I’m not worried and my life is much more interesting (…)’. I loved my existence in Addis. It may seem strange for there were a lot of drawbacks. I’ll develop this point further in the EPILOGUE. ‘ (…) Addis is quieter than I’ve ever seen it. No more shots and red terror is getting a little slack. However, one is still searched to get in anywhere and the curfew [from midnight to five] is still so strict’. If you were unlucky or careless enough to drive at midnight, you had to go very slowly with all lights on, and of course to stop at any injunction. One night, Jean-Noël and I were subjected to a warning shot in the air. In this case, stopping immediately was the first thing to do. ‘ (…) The Ethiopians don’t find the teff with which they make injera anymore, so they eat bread. To get bread, you have to queue often for hours. Moreover, it’s very bad, containing about 30% wheat flour. (…) We still have the kebele celebrations, from 5 to 10 a week, all year round. It gives us entertainment, along with the cinema, the activities at the Alliance and the outings’. There were few opportunities to really enjoy oneself in Addis. The general atmosphere was not euphoric despite the many kebele celebrations. Jean-Noël and I went sometimes to those events. There were large tables and benches. We could have a beer or a glass of tej, and try to communicate with the local population, more or less compelled to take part. If there was some cheerfulness, it was rather artificial because of the atmosphere of fear at the same time. The kebele celebrations in those times make me think of some “civic” or “republican” dinners in favour during the French Revolution, where the will of rallying in a “brotherly” way badly hid the surrounding terror and the dictatorship. About entertainment, we often went out, Jean-Noël and I, on Saturday evenings, thanks to my companion’s car. We would eat in a small restaurant, like Omar Khayyam or Oroscopo, in Piazza, or sometimes at the Maru Dembia (traditional food and atmosphere), the Ras, the Villaverde or Castelli‘s. We would go for a drive and have a beer at the Ethiopia or the Kokeb, for instance. I remember that Ethiopia Hotel was sometimes supplied with Melotti beer, a brand we preferred to Meta. If neither make was available, we would ask for a Pilsner, another Ethiopian brand we didn’t find so good. Kokeb (“star”) restaurant was situated at the top of a building and we liked to admire the night view onto the city. The cinema down Churchill Avenue seldom showed a film in French, but I remember seeing Monsieur Klein, with A. Delon, in the original version. We would sometimes end the evening in a buna bet (“coffee house”), on Debre-Zeit road, the Viking for example, where there was music, where we could dance and have another beer or some tej. There was no “midnight permission”, one had imperatively to be at home before curfew time. Otherwise, what could happen to the coach was to be changed not into a pumpkin but into a sieve.

I write on the 30th of April: ‘To-day is Easter in Ethiopia. Good Friday is a public holiday, not Easter Monday, but since it’s the 1st of May, it’s another public holiday. In this particular instance, there was no curfew last night to enable people to go to the midnight mass. J. Noël and I didn’t go to the mass but we made the most of the absence of curfew all the same. (…) Langano [see Part 19] is almost the only place where Westerners can still go, along with Nazret. Now, to go out of Addis, one needs not only permission from the Embassy (in duplicate, 5 days in advance, through official channels), but the Ethipians’ as well (about a 15 days’ notice). (…) To-morrow is the 1st of May celebration, which should deserve the term of grandiose, if we rely on the rather impressive preparations’. I write on the 8th of May: ‘The 1st of May celebrations were not a success because of the pouring rain that fell all the morning. Bad luck, for it seldom rains in the morning in Addis, even in the rainy season’.

During those days, I do a lot of steps about my position for the following year. I apply for diverse jobs overseas, in Ethiopia or somewhere else. I write on the 16th of May: ‘[Moreover], I have asked for resuming work in Seine-Maritime [département, in Normandy, France]. I’m going to organize my journey home soon. I expect to leave to Cairo on the 20th of June. (…) It’s practically impossible to go out of Addis but to leave the country by plane. However, I went to Sebata (25 km south-west from Addis) with three friends last Sunday. The place is very restful and pleasant. I made a few photos. The weather was fair on that day. (…) The Alliance headmaster [Mr. R.] is buying my cassette recorder which I’m to give him in June’.

mx-Ethiopie Sabata 14.05.78-

Accompagné par Rémi, Yveline et Jean-Noël qui nous conduit, je retrouve donc Sabata que j’avais découvert en décembre dernier (v.Episode 20). Ci-dessus, une scène de vie villageoise (14 mai).

Accompanied by Rémi, Yveline and Jean-Noël who drives us, I thus see Sebata again, which I had already visited last December (see Part 20). Above, a country life scene (14 May).

my-Ethiopie Sabata 14.05.78-

C’est déjà le moment des photos souvenirs. Voici mes amis bien entourés, dans cet environnement propice à la détente.

It’s already time for souvenir photos. Here are my friends in good company, in this relaxing setting.

mz-Ethiopie Sabata 14.05.78-

Maintenant, c’est Rémi qui immortalise notre petit groupe, en haut de la cascade, devant la vue sur le plaisant cadre boisé.

Now, Rémi “immortalizes” our small group, at the waterfall top, in front of the view onto the pleasant wooded landscape.

na-Ethiopie Sabata PHOTO JNB 14.05.78-

Visiblement, nous suscitons toujours l’intérêt de ces enfants, alors que nous allons quitter le café de “l’Autrichienne”, une dame installée là depuis longtemps et qui parle très bien une bonne quantité de langues, dont le français (photo Jean-Noël B.).

Clearly, we still arouse these children’s interest, while we are about to leave the café run by the “Austrian”, a lady who has been living here for a long time, and who can speak quite a lot of languages very well, including French (photo by Jean-Noël B.).

nb-Ethiopie Addis Rte.d'Ambo 21.05.78-

Le dimanche suivant (21 mai), nous faisons notre dernière promenade à la campagne, cette fois sur la route d’Ambo. Voici un paysage harmonieux du Choa, que des taillis d’eucalyptus rendent verdoyant.

On the following Sunday (21 May), our last drive to the country leads us to Ambo road. Here is a harmonious Shoa landscape, which eucalyptus coppices make verdant.

nc-Ethiopie Addis Rte.d'Ambo 21.05.78-

J’apparais ici au même endroit.

You can see me at the same spot.

nd-Ethiopie Addis Poteries Rte.d'Ambo 21.05.78-

De retour, à l’entrée d’Addis, nous nous arrêtons devant ce magasin de poteries. Les deux grands disques de céramique marron sont des “plats à injéra”, et l’objet de vannerie à gauche, un support pour ce plateau, servant de table.

On our way back, at Addis entrance, we stop in front of this earthenware items shop. The two large brown ceramic discs are “injera dishes”, and the piece of wickerwork on the left is a support for this dish, used as a table.

ne-Ethiopie Addis Poteries Rte.d'Ambo 21.05.78-

Couleurs vives ou plus “nature”, il y en a pour tous les goûts.

Bright or more “natural” colours, it’s up to you.

nf-Ethiopie Lettre HT 15.06.78-

Je présente ci-dessus presque en entier ma dernière lettre d’Ethiopie. Je règle donc toutes mes affaires et organise mon retour en France. Je vais d’abord me rendre au Caire le 20 juin, puis à Beyrouth et à Athènes, comptant rentrer en famille à Rouen vers le 10 juillet. Mon dernier jour de travail à l’Alliance est le 16 juin. « Je fais passer l’examen “Mauger Rouge 1” à la classe du matin. (…) Les nuits redeviennent très froides. C’est l’automne pour les Ethiopiens ».

I present my last letter from Ethiopia almost in extenso above. Let me translate it: ‘Dear Parents, Ethiopia baka: Ethiopia, it’s finished for me. Everything comes to an end in the life, the best like the worse. I’m not too sad of leaving, but all the same I’ll miss the “Ethiopian” period of my life, probably one of the best.

‘I’m leaving on the 20th of June in the morning, as I already wrote it to you several times. The formalities to send my trunk, especially about customs, were endless; they completely emptied the trunk I had arranged for hours to be able to shut it, and they refused the 30 cassettes [of music], which I still have, then…

‘Well, for the trunk, it’s over, it’s leaving to-morrow. I sent you the keys and the necessary papers to go through the French customs, by registered letter. I took the cassettes to the censors’ office this morning, to have the right to export them. I’m going to try to entrust them to someone who is going to France and who has some room left in their trunks.

‘I’ve got the visa for Egypt, some US money I’m allowed to take out. Everything is allright, then. I’m ready to leave and I still make the most of [my stay in] Ethiopia.

I have rented a Fiat 126, without which I wouldn’t have been able to go everywhere for the steps’.

So I settle all my matters and organize my coming back to France. I’ll go first to Cairo on the 20th of June, then to Beirut and to Athens, expecting to be back with my family in Rouen around the 10th of July. The 16th of June is my last day of work at the Alliance. ‘I’m going to make the morning class students take the “Red Mauger 1” exam. (…) Nights are getting very cold again. It’s autumn for the Ethiopians’.

ngS8-Ethiopie Addis-Abeba 'Terreur Rouge' Av.d'Adoua 18.06.78-

Le 18 juin, je filme subrepticement cette affichette pro-gouvernementale sur une vitrine, dans le quartier de la “Piazza”, mais je crains de provoquer le courroux de quelqu’un et je ne maintiens le bouton enfoncé que deux ou trois secondes. On n’était jamais sûr, dans ce pays, prenant une photo ou essayant d’en prendre une, de ne pas se faire interpeller par un policier ou un militaire, ou de n’être pas pris à partie par un ou des passants. Une autre fois, en toute fin de séjour également, je me suis fait conduire quelques dizaines de mètres mains en l’air, dans cette même avenue d’Adoua, par un policier, militaire ou “responsable” de kebelé, menaçant de « me mettre en prison », pour une tentative de photo, je ne me souviens même plus de quoi. Dans ce cas, mieux valait ne pas être Ethiopien, car le risque était grand en effet d’être incarcéré séance tenante. Je me rappelle que je me suis dit en un éclair: ‘J’espère que s’ils m’arrêtent, ils me laisseront quand même prendre mon avion dans quelques jours, et sans être obligé de prévenir l’Ambassade’. Mais je serai tout de suite relâché, après vérification d’identité et quelques palabres. J’ai toujours réussi à “sauver” mes pellicules photo et je n’en ai perdu aucune à l’acheminement vers la France. Le texte amharique ci-dessus se prononce à peu près “keuil chebeur yefafam”. J’ai demandé la signification du troisième mot à mes correspondants éthiopiens Abdulaziz O., Sebriya I. et Abadir I., que je remercie tous trois pour leur réponse. L’affichette énonce donc: “La terreur rouge doit s’intensifier!”. Abadir I. m’a précisé qu’il se souvient avoir vu des photos de condamnés menés à leur lieu d’exécution, forcés de porter une pancarte marquée de ce slogan. Ce modèle d’affichette existait en plusieurs couleurs, mais j’ai pensé alors que c’était le rouge qui convenait le mieux pour le témoignage.

On the 18th of June, I film this pro-government small bill surreptitiously, in a “Piazza” shop window, but I fear to provoke someone’s wrath and I only press the knob a couple of seconds. One was never sure, in that country, taking a photo or trying to take one, not to be questioned by a policeman or a serviceman, or not to be taken to task by one or several passers-by. Another time, also at the very end of my stay, I was led hands up on a few dozen metres, in the same Adowa Avenue, by a policeman, a serviceman or a “person in charge” of a kebele, threatening to ‘put me into prison’, for an attempt to photograph, I don’t even remember what. In this case, it was better not to be Ethiopian, for the risk was great, really, to be thrown into jail at once. I remember I thought quickly: ‘I hope, if they arrest me, that they will all the same let me take my plane in a few days, without being compelled to inform the Embassy’. But they will release me straight away, after checking my papers and a moment’s discussion. I always managed to “save” my films and I never lost any on their way to France. The Amharic text (above) is pronounced about like ‘kei sheber yefafam”. I asked my Ethiopian correspondents Abdulaziz O., Sebriya I. and Abadir I., whom I thank for their answer, the meaning of the third word. The small bill thus reads: “May the red terror intensify!”. Abadir I. adds: ‘I remember seeing pics of people, who were about to be executed, forced to carry this slogan while being led to their execution ground’. This model of small bill existed in several colours, but I tought at the moment that red was more suitable for the account.

nh-Ethiopie Addis-Abeba Av.d'Adoua 'Piazza' 18.06.78-

A quelques minutes d’intervalle et toujours Avenue d’Adoua, je prends ma dernière photo dans le pays. Ce quartier animé de la Piazza est le seul de la capitale où les maisons se touchent tout au long des rues. Pour remplir le coin droit de l’image, j’attends qu’un autobus passe. Le premier qui se présente n’est pas un modèle flambant neuf mais il y en avait de plus récents. En ville, j’utilisais peu les bus, trop bondés. Les petits taxis collectifs bleu et blanc (v. Episode 1) étaient bon marché et plus pratiques. Quelques jours plus tôt, j’avais acheté des cassettes de musique éthiopienne dans cette rue, chez “Mahmoud TV & Radio House”. A propos de télévision, je n’en ai jamais eu en Ethiopie; il n’y avait d’ailleurs aucune chaîne en français. En ce qui concerne la musique moderne éthiopienne de ce temps, j’aimais le côté mêlé que l’on pouvait percevoir entre les accords traditionnels et une incontestable influence du rock occidental. Mais celui-ci n’a t-il pas été marqué par les rythmes africains? La boucle est donc bouclée et la synthèse réussie, avec un résultat souvent mélodieux, doux et bien rythmé. Il ne m’est pas possible de mettre des fichiers sonores en ligne, c’est dommage.

Le moment de quitter le pays pour toujours est arrivé et j’ai pris congé de tous mes amis et connaissances. Au matin du 20 juin, je dis au revoir à Marie-Josée, qui va encore passer deux ans en Ethiopie. L’émotion m’embue les yeux mais mes regrets sont un peu atténués par la perspective des grandes vacances et du magnifique voyage de retour que j’entreprends maintenant. Bientôt, depuis le hublot de l’appareil qui m’emmène au Caire, je vois disparaïtre la Nouvelle Fleur, enchâssée dans son écrin d’eucalyptus, sa plus belle parure.                          EPISODE 30 

A few minutes later, still in Adowa Avenue, I take my last photo in the country. Piazza, this animated quarter, is the only one in the capital where houses touch each other all along the streets. To fill the right corner of the picture, I wait for a bus to go past. The first one which arrives is not a brand new model, but some were more recent. In the town, I little used the buses, too crowded. The little blue and white collective taxis (see Part 1) were cheap and more convenient. A few days earlier, I had bought Ethiopian music cassettes in this street, at “Mahmoud TV & Radio House”. I never had television in Ethiopia. There was actually no channel in French. About modern Ethiopian music in those times, I liked the mingled nature we could recognize, between the traditional chords and an unquestionable influence of the western rock-‘n’-roll. But hasn’t the latter been marked by African rhythms? So we’ve come full circle and the synthesis is successful, with a result often melodious, soft and highly rhythmical. I can’t put any sound file on line, it’s a pity.

The moment for me to quit the country for ever has come and I took my leave of all my friends and acquaintances. On the 20th of June in the morning, I say goodbye to Marie-Josée, who is to spend two more years in Ethiopia. Emotion mists up my eyes but my sorrow is a little alleviated by the prospect of the summer holidays and of the beautiful trip back home I’m undertaking just now. Soon, from the porthole of the aircraft which takes me to Cairo, I can see the New Flower disappear, set in its eucalyptuses case, its most beautiful livery.                          PART 30

This entry was posted in ETHIOPIE, ADDIS and tagged , , , , , . Bookmark the permalink.

12 Responses to EPISODE / PART 29

  1. Pingback: EPISODE / PART 28 | MON GRAND VOYAGE – MY GREAT TRIP: ETHIOPIE – ETHIOPIA 1976-78

  2. Pingback: EPISODE / PART 20 | MON GRAND VOYAGE – MY GREAT TRIP: ETHIOPIE – ETHIOPIA 1976-78

  3. Pingback: INTRODUCTION | MON GRAND VOYAGE – MY GREAT TRIP: ETHIOPIE – ETHIOPIA 1976-78

  4. Pingback: EPISODE / PART 1 | MON GRAND VOYAGE – MY GREAT TRIP: ETHIOPIE – ETHIOPIA 1976-78

  5. Pingback: EPISODE / PART 4 | MON GRAND VOYAGE – MY GREAT TRIP: ETHIOPIE – ETHIOPIA 1976-78

  6. Que d’émotions ! Les départs ne sont guère faciles mais un départ comme celui là, après toutes ces extraordinaires découvertes, j’imagine doit être franchement difficile. Je m’arrête là pour aujoud’hui afin de mieux ressentir ce départ.

  7. Merci Charles-Henri d’honorer mon travail de ta visite et de tes contributions en ce jour de Noël. Oui, cet épisode 29 est vraiment l’un de mes préférés au niveau du texte. Mais tu verras bientôt que des péripéties insolites m’attendent encore lors du voyage de retour.

  8. Jean-Yves C. a écrit le 18.06.2012: ” PARTIE 29: L’avant-départ. Ce chapitre est le plus triste. On ressent ton désarroi devant les jours qui fuient, les délices et privations que l’on quitte. Toutes ces foules cotoyées, ces enfants qui t’entourent et te sollicitent… J’avais toujours dans ma voiture un petit sac avec des cachets d’aspirine, des vitamines et par dessus tout des gouttes bleues pour les yeux. Il n’était pas rare qu’on mène des malades quand je stoppais ma méhari verte dans un village. A cause des mouches, couvrant les pauvres étals, les boucheries de plein air, des myriades de mouches qui après allaient se désaltérer autour des yeux des enfants et vieillards non munis de chasse-mouche. Cet instrument était porté par les prêtres et moines [avec] la croix manuelle qu’ils faisaient baiser aux personnes qu’ils croisaient: Daïna not, ATO Fassika! Daïnanesh, WOYZERO TEGEGNE! DAÏNA..DAÏNA..DAÏNA. Les stylos bille et mêmes des feuilles de papier vierge avaient l’allure d’etrennes. J’ai aussi l’image de femmes montrant leurs humbles et magnifiques croix pectorales qui voulaient les échanger contre quelques dollars verts portant le profil impérial, tempe dégarnie, regard de César-Auguste , barbe de sénateur ou de séducteur car l’empereur exhalait une aura hypnotique
    de charmeur de serpent.”

  9. Rémi Brunelin a écrit le 30.08.2012: “Dernières semaines à Addis pour Hubert comme pour nous.Hubert évoque quelques bons moments passés ensemble avec J-Noël. Je lui suis reconnaissant de nous avoir permis, grâce à sa mémoire infaillible et à son goût de la précision dans la relation des faits, de nous remémorer aujourd’hui certains moments dont le souvenir était quelquefois bien flou … Je suis aussi reconnaissant à J-Noël d’avoir bien voulu nous faire profiter de sa petite Fiat vert pomme ( j’en garde un souvenir ému car je la considère comme un personnage à part entière de notre histoire, c’est d’ailleurs flagrant sur plusieurs photos !) dont on l’a beaucoup moqué alors qu’elle nous rendait la vie beaucoup plus agréable comme à l’occasion de ces excursions dont les photos apportent témoignage… Je reviens, pour la dernière fois, sur mon travail à Addis en 78. L’Alliance française m’avait confié, pour étoffer mon emploi du temps, quelques heures de cours du soir pour adultes qui avaient lieu dans les locaux de l’Ecole Normale et de la Mission de Coopération et non à l’Alliance.Le public était composé essentiellement d’hommes appartenant à des administrations éthiopiennes. J’utilisais une méthode audiovisuelle de films fixes, un peu désuète, qui relatait la vie de personnages à Paris dans les années 50…Cela n’était pas désagréable ; là aussi, on me réclamait de la grammaire, de l’orthographe, bref, de l’écrit alors que l’idée était de s’exprimer le plus possible oralement … L’expérience fit long feu car les évènements se précipitant et les cours se finissant à la nuit, les « élèves », tout passionnés qu’ils étaient par l’étude du français (ils étaient volontaires) hésitaient à rentrer tard et se firent de plus en plus rares, jusqu’au jour où l’on m’annonça que le cursus était suspendu … Les cours ne reprirent jamais bien entendu…Même si l’heure tardive ne me plaisait pas beaucoup (mais c’ était inévitable, ces braves gens travaillant la journée !), j’ai regretté la fin de l’expérience au bout de quelques semaines (3 mois tout au plus) car elle m’aurait sans doute permis de tisser des liens intéressants avec un public adulte qui m’était jusque là inconnu.
    Je dois terminer sur une note grave qui restera, pour Yveline et moi, l’image la plus forte de notre séjour en Ethiopie.Je ne veux pas faire croire qu’il n’y eut que de mauvais moments.On peut voir dans les écrits d’Hubert ou les miens qu’il y en eut de joyeux, d’amusants ou de pittoresques mais on doit comprendre que, généralement, l’ambiance était lourde, pesante, en tout cas pour nous qui n’arrivions pas à faire abstraction de ce que nous voyions ou entendions quotidiennement. Ce fut d’ailleurs la raison pour laquelle, ne pouvant nous rendre à Lalibela /Gondar (comme je l’ai dit après l’épisode 7), nous étions partis nous ressourcer aux vacances de Pâques 78 (les dernières vacances scolaires avant l’été et notre retour définitif, puisque le séjour des VSNA se limitait à 2 ans) aux Seychelles ; un autre monde, accueillant, luxuriant, apaisé, enchanteur quoi ! Le fait que je veux relater a eu lieu très probablement un peu avant notre départ aux Seychelles via le Kenya (à moins que cela soit juste après).Un soir, bien avant l’heure fatidique du couvre-feu, nous avons entendu le bruit caractéristique d’une « course » de voitures.Nous nous sommes précipités aux fenêtres (qui étaient nombreuses et surplombaient de 5 étages la Churchill et une petite rue perpendiculaire à cette grande et longue avenue. Une voiture en avait coincé une deuxième le long du trottoir juste à l’angle des 2 rues. Le passager de la 2ème voiture parvint à s’extraire avant que ceux de la 1ère aient eu le temps de sortir.Il disparut dans une des venelles qui donnaient sur cette rue (comme je l’ai déjà dit, Addis est un curieux assemblage d’immeubles modernes et de cabanes en bois et en tôle, habitat hétéroclite mêlé dans un même quartier comme ici) avec 2 hommes du 1er véhicule à sa poursuite, armes à la main ! Les 2 autres , pendant ce temps, extrayaient sans douceur le conducteur de la 2ème voiture de son siège avant de le pousser sur le trottoir.De notre poste d’observation, nous voyions très bien l’homme, apeuré, mains levés au dessus de la tête. Il se passa une dizaine de minutes avant que les « chasseurs » ne reviennent, semble-t-il bredouilles.Je ne me souviens pas avoir entendu de coups de feu durant la poursuite ; le passager avait pu bénéficier de l’enchevêtrement des passages entre les habitations et avait pu soit s’échapper soit trouver refuge chez des habitants. Les 4 se regroupèrent autour de l’homme.Il y eut des discussions entre eux et avec lui, toujours mains levés. En même temps qu’on entendit la rafale de mitraillette , on vit des étincelles sur le corps de l’homme qui s’affala sur le sol. Un des tireurs s’approcha de lui et lui porta, d’un coup de révolver, le coup de grâce à la tête. Nous étions pétrifiés et nous avons eu, un court instant,le réflexe de nous éloigner des fenêtres.Puis,nous avons vu les 4 hommes remonter dans les 2 voitures. Le cadavre gisait sur le trottoir baignant dans son sang. La trace en est restée plusieurs jours, imprégnée. Yveline qui avait l’habitude de descendre au lycée à pied et de passer à cet endroit précis a, pendant une bonne semaine, pris un autre chemin, jusqu’à ce que la trace du drame disparaisse définitivement à la suite probabalement d’un violent orage dont Addis a le secret. Le véhicule préposé aux ramassages des cadavres la nuit et qui ne chômait guère en ces temps meurtriers est passé peu de temps après remplir sa mission.Cela nous a fait penser à ce que racontaient les collègues d’Yveline, le matin dans la salle des profs, quand ils annonçaient le nombre de cadavres qu’ils avaient comptés sur le trajet de chez eux au lycée. Le lendemain matin, Yveline aurait de quoi susciter l’intérêt de ses collègues… Cet épisode est sans conteste le plus marquant que nous ayions vécu,fort heureusement. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il illustre « bien » cette époque de la « Terreur rouge » nommée ainsi par ses auteurs.
    Hubert, on l’a compris, a quitté l’Ethiopie avec un pincement au cœur.Il a poursuivi son « grand voyage » initiatique en Egypte, au Liban (passionnant) et en Grèce mais ces échappées ont un caractère touristique que notre séjour de 2 ans en Ethiopie n’a évidemment pas.
    Je ne regrette rien, pour ma part, de cette expérience vécue. Mon seul regret est de n’avoir pu connaître l’Ethiopie dans une période pacifiée comme elle l’est relativement aujourd’hui (La tension reste permanente avec l’Erythrée maintenant indépendante.Des journalistes scandinaves ont été condamnés pour fait d’espionnage.Le régime, dont le Président Meles Zenawi, le « tombeur de Mengistu »,vient de mourir, reste autoritaire mais n’a plus rien de la dictature sanglante que nous avons connue) et, de ce fait, de n’avoir pu enseigner l’esprit tranquille, de n’avoir pu visiter certaines régions de l’Ethiopie. Le récit d’Hubert (et les commentaires que J-Yves y a apportés) m’a permis de me replonger dans ce passé vieux de 34 ans, sans nostalgie aucune mais avec le désir d’apporter ma modeste pierre à ces témoignages qui intéresseront, je l’espère, ceux qui ont le goût des voyages et l’amour de l’Afrique et des horizons nouveaux.”
    Hubert T. répond le 31.08.2012: “Tes apports, cher Rémi, sont à la hauteur de ceux de Jean-Yves. Je pense que grâce à vous, cet ouvrage mériterait vraiment une publication sous forme de livre papier. Heureusement pour moi, je n’ai pas assisté à un assassinat en Ethiopie et n’ai pas vu de cadavres. Mais je me souviens de la tache de sang qu’évoque Rémi. Je l’ai remarquée, ainsi que quelques autres à divers endroits d’Addis. Il ne faisait pas bon être Ethiopien à cette époque.”

  10. BRUNELIN Rémi says:

    Cette dernière lettre à ma disposition donnera (au grand dam d’Hubert) peu d’éléments sur nos dernières semaines à Addis.Datée du 12 avril 78, elle est très largement consacrée à notre séjour aux Seychelles via le Kenya.Je ne veux pas y revenir, mon « compte rendu n’étant que strictement touristique !Je manifeste notre satisfaction concernant ce séjour : « Nous nous sommes vraiment reposés ; c’est ce que nous cherchions car nous étions fatigués, surtout nerveusement. »Je note que la « colonie française » aux Seychelles devait être comme nous car je dis avoir compté une trentaine de personnes sans compter ceux qui ont passé les 2 semaines au Yémen (l’ami Hubert), en Egypte (l’ami Norbert), à Maurice (les B.) Le seul élément qui vaille la peine d’être cité est notre rencontre dans notre petit hôtel dont les bungalows dominaient la mer, tout près d’un autre hôtel, le Sunset, où était l’essentiel de la « colonie » coopérante française , avec un personnage passionnant, un vieil Anglais, vivant très modestement dans une toute petite pièce de l’hôtel .Voici ce que j’en disais : « Il a passé toute sa vie en Afrique dont 16 ans en Ethiopie et a fait 17 métiers différents (forestier,marin,destructeur de sauterelles,chasseur de mouches Tsé Tsé etc) [ j’avais envie de lui demander : et trafiquant de quoi ?]. Il parlait français, parlant de « Troyat, de Colette,de Sagan, du cinéma français [les films de Carné et Prévert].Bref, un personnage haut en couleurs avec lequel nous avons passé des moments délicieux!
    Pour le reste, les propos que nous tenions, Yveline et moi, ne laissent aucun doute sur notre hâte à regagner l’hexagone : « Le moral est assez bon maintenant, d’autant qu’il reste à peine 3 mois ! »De cette période excessivement troublée, j’ai surtout retenu cet assassinat évoqué dans ma 1ère contribution.Hubert se souvient de la tache de sang devant chez nous. Il y a eu un autre fait que j’avais oublié.Yveline m’a rappelé que ( un peu avant ou après cet évènement ?), nous avions aperçu un matin, toujours de nos fenêtres, donjon stratégique sur ce carrefour de la Churchill, un corps allongé sur le trottoir. Il ne s’agissait pas d’un mendiant endormi mais (nous l’avons vite compris) d’un cadavre laissé là dans son sang et que ce que je nommais la voiture-balai (celle qui ramasse les abandons du tour de France !) n’avait pas encore enlevé…La tache a longtemps imprégné là aussi le sol.Peut-être Hubert fait-il allusion à ce fait là, mais qu’importe, ce cas de figure (si j’ose dire) était assez fréquent dans certains quartiers d’Addis. Les dernières semaines furent consacrées à boucler mon contrat avec mes étudiants, à leur faire passer leurs examens de fin d’année avec toute l’indulgence possible (je me souviens quand même d’une élève incapable de bredouiller 2 ou 3 mots de Français et qui n’avait pu franchir le cap lui permettant de passer dans la classe supérieure) et à passer encore quelques bons moments avec Hubert et Jean-Noël (Hubert en parle assez longuement de nos sorties communes), en repas conviviaux avec Norbert, Christian R. et sa femme, avec Jean-Luc et Dominique B. et à profiter du beau temps (« Il fait très beau, plus beau qu’aux Seychelles , et pas trop chaud !”).Voilà qui est passionnant( !) et n’apporte plus rien à mon témoignage.
    Il me faut donc maintenant mettre un point final à ma longue contribution au travail d’Hubert. Si cela a représenté un certain travail (plaisant) pour moi, cela a été surtout , pour Hubert , un énorme travail de mémoire, de mise en ordre avec ce souci qui le caractérise de précision et d’exactitude dans son style « dépouillé » comme il le dit…Ma contribution a été autre.Elle n’aurait évidemment pas existé sans Hubert (et sans Michel qui m’a permis de prendre connaissance du « Grand voyage »).C’est lui qui m’y a incité à 2 reprises : quand j’ai repris contact avec lui après toutes ces années et après nos retrouvailles sympathiques et chaleureuses, avec Jean-Noël, en ce w.e de fin d’été 2012à Mazan.(On peut nous voir,Hubert, J-Noël, Yveline et moi , en 2012, dans un tout autre contexte que celui de 1978 sur 2 photos placées dans l’épisode « Dernières nouvelles »…S’il m’a incité à compléter son récit avec mes propres souvenirs, je n’ai fait que réagir à son texte ou à ses photos,(comme l’a fait admirablement J-Yves) sans avoir l’obligation, comme lui ,de suivre scrupuleusement la chronologie. Qu’il trouve ici tous mes remerciements pour le plaisir qu’il m’a procuré à sa lecture et pour m’avoir poussé à faire, à mon tour, un effort de mémoire en « déterrant » ces vieux souvenirs.
    Que les anciens d’Ethiopie s’y mettent et que les autres, ceux qui parcourent ce désormais volumineux « pavé », lui fassent part, nous fassent part, de leurs impressions et sentiments !!

  11. Dellu says:

    Wow, beautiful pictures. the whole style was different, but very graceful. look at the pants!

  12. Barbier says:

    Vraiment magnifique voyage que vous avez fait au Yémen et à Djibouti.
    La “terreur rouge” que vous avez vécu en Ethiopie me fait penser au couvre feu que nous avons vécu en Libye, dans les années 1967, lors de la guerre des Six Jours. La guerre, à cette époque, sonne le glas du restant de la communauté juive, évacuée d’urgence en Italie devant la fureur des foules libyennes. Lors de la prise de pouvoir par le colonel Kadhafi en 1969, il reste moins de 600 Juifs en Libye. Le nouveau régime s’attache non seulement à les faire partir mais aussi à effacer toute trace de la présence juive, rasant les cimetières et convertissant les synagogues en mosquées. Des moments très durs que nous avons vécus, nous obligeant à rester cloîtrés chez nous, pendant au moins une semaine, au risque sinon de se voir fusillés. Le fait d’avoir mis un drapeau français accroché à notre maison et que nous soyons catholiques, nous a en quelque sorte sauvés. Malgré cela mes 7 années en Libye avec mes parents resteront à jamais les plus belles années de ma vie ! Il est vrai qu’en tant qu’expatriés, on trouve une forme de solidarité entre européens que l’on ne trouve pas en France.

Leave a reply to huberttabutiaux Cancel reply